Arts politique et société
Raison publique
Auteur d'une oeuvre considérable, Paul Ricoeur reste méconnu en tant que penseur politique. Pour la première fois, cet ouvrage procède au remembrement des fragments dispersés d'un projet qui aura constitué sans aucun doute l'une des préoccupations constantes du philosophe. Il considère les enjeux du pouvoir dans une extension inédite : sa conquête et son exercice, le vivre-ensemble dans la Cité, mais aussi les conditions de l'agir du citoyen, gardien de la démocratie. Le parti pris de penser le politique dans les termes d'un « paradoxe » témoigne d'un refus méthodique du systématisme, qui fait le lit des totalitarismes. En associant deux thèses adverses également fondées, Ricoeur invite à les concilier, non par un savoir, mais dans la pratique. Récusant toute position de surplomb, il réplique au « mal politique » par l'espérance, l'ouverture au possible. Par rapport à l'économie et à la culture, il réaffirme l'autonomie du politique, qu'il articule à une « éthique démocratique », en sorte que le souhaitable oriente le possible.
Ricoeur a le souci d'exposer la réflexion à l'événement pour mieux en saisir la portée à l'aune d'une anthropologie philosophique. Dans son sillage, l'auteur confronte cette pensée politique à la situation contemporaine, pour une mutuelle mise à l'épreuve d'où surgit une critique en creux de la raison néolibérale et une contribution potentielle aux débats du moment. Loin
cependant de s'y cantonner, la proposition de Ricoeur invite à discerner dans la « dette sans faute », qui résulte pour chacun du fait d'être né, les ressources d'un agir poétique capable de surmonter le désenchantement des modernes. L'imagination, en inversant l'endettement en gratitude, peut raviver le sens du vivre-ensemble dans une « pratique de la fraternité ».
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