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Révolution et contre-révolution en Allemagne, 1918-1920 propose une reconstruction
des événements des deux premières années cruciales de l'après-guerre,
réalisée avec une documentation extraordinairement ample et riche
en détails. Cet ouvrage est mis pour la première fois à disposition du lecteur
de langue française. Il s'agit d'un matériel précieux, non seulement parce qu'il
fournit une contribution historiographique certaine, mais aussi parce que s'en
dégage une réflexion politique d'une importance remarquable.
Les événements traités dans le texte doivent être effectivement connus, étudiés,
assimilés, parce qu'ils font partie de l'histoire d'une défaite stratégique d'une
exceptionnelle portée. Une issue différente de cette lutte au coeur de l'Europe au
début des années 1920 aurait sans aucun doute changé le cours de l'histoire
du XXe siècle à l'échelle continentale autant que mondiale. Avec un prolétariat au
pouvoir en Allemagne, la part européenne de la stratégie bicontinentale de
Lénine se serait réalisée, donnant un tout autre souffle aux luttes en Orient
et même en Russie.
Des phénomènes contre-révolutionnaires tels que le stalinisme ou le nazisme
n'auraient vraisemblablement pas trouvé de conditions favorables à leur
développement. L'époque de l'impérialisme aurait pu mourir dès sa naissance.
Dans tous les cas, cela aurait été une autre histoire, certainement dense
en inconnues et peut-être aussi en défaites, mais avec des conséquences
probablement moins dévastatrices pour le mouvement ouvrier et pour la
tradition communiste.
Cet ouvrage analyse les événements qui vont de la révolution de novembre 1918
au putsch de Kapp en mars 1920. Trois thèmes en émergent, qui donnent à
réfléchir.
Le premier thème est sans aucun doute le rôle contre-révolutionnaire de la
social-démocratie allemande.
Le second thème est celui des énergies manifestées par le prolétariat allemand
lors d'un processus révolutionnaire objectif, même s'il est la somme des
multiples subjectivités des militants du mouvement de classe.
Le troisième thème, peut-être le plus remarquable, est celui des limites et des
insuffisances du mouvement politique révolutionnaire, de l'organisation qui
aurait dû conduire ce processus en utilisant au mieux l'abondance d'énergies
que la classe mettait à disposition. L'analyse des événements met en évidence le
manque de direction et de centralisation des luttes, l'inconsistance des liaisons
entre les différents détachements de classe, en particulier entre les conseils
d'ouvriers et les conseils de soldats, l'absence fréquente d'indications tactiques
concrètes sur ce qu'il faut faire et comment.
Le mouvement de classe n'a pas besoin de reconstructions hagiographiques
centrées sur des figures révolutionnaires immaculées que des ennemis puissants
et détestables auraient écrasé. Il a besoin d'une analyse des erreurs, d'une
critique des limites stratégiques de ses dirigeants, d'une évaluation exacte de ses
insuffisances organisationnelles. La puissance des adversaires (et parfois aussi
leur cruauté gratuite) doit entrer en ligne de compte dès le début.
(de l'introduction)
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