Dire une guerre aussi controversée que celle du Vietnam n'est
pas aisé : à s'en tenir aux «faits», on risque de tomber dans la
répétition infinie de scènes de batailles ou de corvées. Quant
à faire de ce qui se résume à tuer l'ennemi un récit héroïque,
c'est aplatir la réalité sous le grandiose.
Et la réalité de la Compagnie Bravo dirigée par le jeune lieutenant
Mellas n'a rien d'excitant. Prendre la colline de Matterhorn et la
fortifier pour résister à l'armée nord-vietnamienne, puis devoir
l'abandonner pour exécuter une autre tâche, sans munitions
et nourriture suffisantes, et devoir la réinvestir ensuite, telle
est l'aventure absurde narrée dans ce roman que la critique
américaine unanime met sur le même plan que Les Nus et les
Morts, À l'Ouest, rien de nouveau et Catch-22.
Ce que vivent ces «gamins» noirs et blancs pour la première
fois intégrés dans le même corps des marines est tout à la fois
terrifiant, héroïque, cruel, vain, tendre, ridicule, absurde, désespérant
et sublime. Qu'ils marchent dans une jungle infestée de tigres
et de sangsues, s'enfoncent dans leurs trous de combat boueux
ou, pris de racisme ou de folie meurtrière, commettent l'irréparable,
ils fascinent le lecteur tant la rigueur du récit est sans faille.
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