Selon un schéma de pensée communément accepté, le
phénomène étatique et national se situerait aux antipodes du
phénomène autochtone. Les populations indiennes sont généralement conçues
comme antérieures à l'État ou reléguées à sa marge, l'État étant pour sa part pensé
comme le moteur de la modernité et de l'homogénéité nationale. Les travaux
réunis dans cet ouvrage répondent au pari de réfléchir à ces deux phénomènes
autrement. Partant d'études de cas précis - Mexique, Argentine, Paraguay,
Colombie ou Bolivie - ils ébauchent collectivement une réflexion transversale
autour de la définition d'un «autre interne» par rapport auquel se définit le sujet
national hégémonique. La constitution de cet «autre interne» est contemporaine
et indissociable de l'émergence progressive des identités nationales, comprise, à
grands traits, entre l'indépendance des républiques latino-américaines, au début
du XIXe siècle et le milieu du suivant.
Au lieu de prendre comme un fait établi l'antagonisme État-autochtones, il
s'agit plutôt d'explorer comment le profil du sujet autochtone ainsi que la position
d'altérité à laquelle il est associé, loin de rester immuable à travers le temps, est
largement tributaire du contexte historique et, par là même, des articulations,
conflictuelles ou consensuelles, avec les différents projets hégémoniques incarnés
par l'État et ses «grammaires nationales».
Pour rendre compte du rapport intime entre processus d'étatisation, processus
de nationalisation et processus d'altérisation, autrement dit, des régimes
nationaux de l'altérité autochtone, les auteurs s'intéressent autant aux disciplines
scientifiques qu'aux institutions, et aussi bien à la guerre qu'aux diverses modalités
d'identification qui organisent depuis l'État la gestion de l'altérité.
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