Les dernières générations du vingtième siècle sont sans doute
les premières à avoir été si intensément exposées à la prolifération
d'objets destinés au seul regard. Baignant parmi les images, nous
nous sommes accoutumés en quelques décennies, sans toujours
nous en rendre compte, à une hyperactivité visuelle sans précédent.
C'est cette frénésie oculaire qui doit être aujourd'hui examinée
d'un point de vue nouveau. Loin d'être innocente, notre confiance
dans la puissance de l'oeil est fondée sur de profonds préjugés.
Méconnaissant les processus réels de la vision, nous sommes
enclins à idéaliser celle-ci et imaginer en permanence des regards
sans contrepartie réelle. De telles idéalisations animent et enrichissent
nos vies d'une façon très particulière, mais elles nous induisent
souvent en erreur sur le monde et sur nous-mêmes.
Pourquoi les aveugles font-ils l'objet d'une compassion si
profonde ? Pourquoi le «moi» est-il conçu comme situé derrière
les yeux ? Pourquoi Dieu est-il parfois représenté comme un oeil
surplombant le monde ? Pourquoi sommes-nous fascinés par le
regard humain en situation de face à face ? Pourquoi avons-nous
parfois l'impression d'être regardés alors même que personne
n'est présent ? Pourquoi chacun rêve-t-il de devenir le point de
convergence du regard des autres ? Pourquoi, à travers l'omniprésence
des publicités, l'économie moderne est-elle devenue une
économie du regard ? Et pourquoi acceptons-nous sans sourciller ce
déferlement d'images dans nos vies ?
C'est à travers de telles questions que cet ouvrage propose de
cheminer afin de mettre en cause le primat contemporain de la
vision et critiquer les excès qu'il engendre.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.