Augustin Thierry par une narration très vivante et presque romancée, mêlant érudition et imagination, nous offre ici un livre d’histoire sur l’époque mérovingienne des plus intéressants et divertissants. Il nous dévoile cette période violente de la France avant la France, nous racontant le « premier mélange entre les indigènes et les conquérants de la Gaule ». Cet ouvrage nous donne ainsi l'occasion de revisiter notre histoire, notre récit national et les bases chrétiennes de notre nation.
Extraits : L’histoire nationale est, pour tous les hommes du même pays, une sorte de propriété commune ; c’est une portion du patrimoine moral que chaque génération qui disparaît, lègue à celle qui la remplace ; aucune ne doit la transmettre telle qu’elle l’a reçue, mais toutes ont pour devoir d’y ajouter quelque chose en certitude et en clarté. Ces progrès ne sont pas seulement une œuvre littéraire noble et glorieuse, ils donnent sous de certains rapports la mesure de la vie sociale chez un peuple civilisé ; car les sociétés humaines ne vivent pas uniquement dans le présent, et il leur importe de savoir d’où elles viennent pour qu’elles puissent voir où elles vont. D’où venons-nous, où allons-nous ? Ces deux grandes questions, le passé et l’avenir politiques, nous préoccupent maintenant, et, à ce qu’il semble, au même degré ; moins tourmentés que nous de la seconde, nos ancêtres du Moyen Âge l’étaient parfois de la première ; il y a bien des siècles qu’on tente incessamment de la résoudre, et les solutions bizarres, absurdes, opposées l’une à l’autre, n’ont pas manqué. Le premier coup d’œil de celui qui étudie sérieusement et sincèrement notre histoire doit plonger au fond de ce chaos de traditions et d’opinions discordantes, et chercher par quelles transformations successives, par quelles fluctuations du faux au vrai, de l’hypothèse à la réalité, la notion des origines de la société française a passé, pour arriver jusqu’à nous.
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La manière de vivre des rois francs, l’intérieur de la maison royale, la vie orageuse des seigneurs et des évêques ; l’usurpation, les guerres civiles et les guerres privées ; la turbulence intrigante des Gallo-Romains et l’indiscipline brutale des Barbares ; l’absence de tout ordre administratif et de tout lien moral entre les habitants des provinces gauloises, au sein d’un même royaume ; le réveil des antiques rivalités et des haines héréditaires de canton à canton et de ville à ville ; partout une sorte de retour à l’état de nature, et l’insurrection des volontés individuelles contre la règle et la loi, sous quelque forme qu’elles se présentent, politique, civile ou religieuse ; l’esprit de révolte et de violence régnant jusque dans les monastères de femmes : tels sont les tableaux divers que j’ai essayé de tracer d’après les monuments contemporains, et dont la réunion doit offrir une vue du VIe siècle en Gaule.
J’ai fait une étude minutieuse du caractère et de la destinée des personnages historiques, et j’ai tâché de donner à ceux que l’histoire a le plus négligés, de la réalité et de la vie. Entre ces personnages, célèbres ou obscurs aujourd’hui, domineront quatre figures qui sont des types pour leur siècle, Frédégonde, Hilperick, Eonius Mummolus et Grégoire de Tours lui-même ; Frédégonde, l’idéal de la barbarie élémentaire, sans conscience du bien et du mal ; Hilperick, l’homme de race barbare qui prend les goûts de la civilisation, et se polit à l’extérieur sans que la réforme aille plus avant ; Mummolus, l’homme civilisé qui se fait barbare et se déprave à plaisir pour être de son temps ; Grégoire de Tours, l’homme du temps passé, mais d’un temps meilleur que le présent qui lui pèse, l’écho fidèle des regrets que fait naître dans quelques âmes élevées une civilisation qui s’éteint.
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