Descartes ambitionnait de donner à la science un fondement
certain «une fois pour toutes», ambition partagée par toute une
partie de la modernité. Ce fondement ce fut le cogito : «Je pense,
donc je suis». Pourtant, le détail des textes réserve une surprise : ce
qu'il rêvait de faire une fois pour toutes, Descartes n'a cessé de le recommencer
différemment d'oeuvre en oeuvre. Ainsi, dans les
Méditations métaphysiques, «Je pense, donc je suis» devient «je
suis, j'existe».
Cet ouvrage veut explorer ce phénomène de re-commencement.
Il le fait en lisant deux des plus grands phénoménologues, Edmund
Husserl et Michel Henry, qui ont sciemment repris l'ambition
cartésienne. La même nécessité de re-commencer et de trouver à
chaque fois un résultat différent se vérifie dans leur travail. Husserl
vieillissant se vantait d'avoir été «un vrai commençant».
À travers ses recommencements successifs et toujours décalés,
l'individu philosophe découvre qu'il ne peut être celui qui trouvera
le fondement définitif. Seule une humanité pleinement consciente
d'elle-même en serait capable. C'est elle qui, contradictoirement,
s'y essaye à travers chaque auteur. Tâche infinie, mais capitale. Car
à chaque fois qu'une portion de l'humanité croit qu'elle possède
enfin le commencement, ce n'est rien moins que la barbarie qui
s'inaugure.
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