Longtemps, le pragmatisme, philosophie née à la fin du XIXe siècle
aux États-Unis, n'a pas eu bonne presse, tant est fort son refus de
faire système, de poser des postulats, d'écrire de grands récits. Sa
volonté est de reconnaître à chacun la capacité, par l'expérience,
d'approcher le vrai, dans une quête ouverte à tout homme ordinaire,
sans qualité ni appartenance à une élite philosophique.
Désormais, il est au centre de nombreuses approches, à propos tant
des problèmes posés par les sciences, les idéologies, les valeurs et la
marche du monde que de la philosophie et des sciences sociales, de
leurs méthodes et de ce que nous pouvons en attendre.
Ce retournement, le lecteur le comprend grâce à Jean-Pierre
Cometti. Voilà restitué le fort pouvoir critique du pragmatisme à
l'encontre de la plupart des certitudes qui ont permis à la philosophie
d'établir sa souveraineté : il refuse une conception du vrai,
qui soustrait ce dernier à toute appréciation humaine ; l'intéresse
ce qui permet de donner à chacun les meilleures chances d'accomplissement
des fins auxquelles l'humanité peut légitimement aspirer
dès lors que ces dernières lui semblent les meilleures. La philosophie
peut y contribuer par un effort de clarification propre, afin de
déblayer la voie de la recherche et les possibilités de la discussion. En
cela, les vertus de la philosophie ne se distinguent pas de celles de la
démocratie et de l'éducation : toutes trois ont valeur d'expérience
que chacun se doit de faire pour demeurer pleinement citoyen.
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