Nous avons perdu la mort - l'attention aux mourants, les
cérémonies, les rituels et les paroles du deuil. Cette disparition
a été si brutale que personne ne s'en est ému. Depuis
longtemps nous vivions dans une familiarité avec la mort et
avions, avec le christianisme, pris l'habitude d'organiser les
trois temps d'une mort : le temps du mourant, le temps de
la mort et le temps du deuil. Le mourant savait mourir, le
deuil trouvait sa place dans la vie sociale, la mémoire gardait
longtemps encore le souvenir des défunts.
Alors demandons-nous : Qu'avons-nous perdu en perdant
notre familiarité avec la mort ?
En laissant les mourants sans assistance, ne sommes-nous
pas en train de vivre un processus de dé-civilisation ?
Ignorer la mort, la mépriser, n'est-ce pas rejeter les forces et
les pulsions de mort qui nous façonnent et nous font accepter
le monde et les autres hommes ? Or la mort s'apprend et
doit faire partie de l'éducation de l'homme. L'apprentissage
dont il est question concerne, d'abord, les gestes et rites qui
accompagnent un mourant et le deuil de la famille. Mais
s'ajoute un autre apprentissage : l'acceptation de la mort en
nous, de cette mort qui limite nos prétentions à la toute-puissance
et nous fait devenir des hommes socialisés. Ces
apprentissages (social, psychologique, individuel) permettent
de remettre la mort à sa place. La mort ne concerne
pas seulement l'au-delà, mais, aussi et peut-être surtout,
l'ici et le maintenant des hommes.
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