Le portail a crissé, et Zoubir est entré dans mon jardin comme une anomalie: que venait faire sa silhouette de sumo-prolo entre les roses trémières et la haie des voisins? Je lui ai collé l'étiquette, comme un réflexe: «quartier Nord».
«Un jeune est mort sur le chantier d'insertion de la Citadelle. Allah yarahmo. La Mairie a tout fait pour étouffer l'affaire. Et pourquoi ce silence? Parce que le gamin, là, un Noir, c'était un fils de rien.»
Ensemble, avec Zoubir, nous allons donc enquêter sur cet «accident», et cette histoire va nous mener vers d'autres histoires, de came, de boulot, de pognon, de logement, de folie, d'intérim, de prison, de résignation, deux années d'errance avec Monsieur Rabi, président burlesque d'une association de rapatriés, avec Rodrigue, ex-détenu qui patauge dans les «biz», avec Djouneïd, parachutiste au grand coeur, avec Zoubir, mon héros, lui qui s'allonge sur mon canapé comme sur un divan, qui raconte tout, du pâté qu'il dégustait «fanatiquement» enfant à son retour vers un islam «naïf».
Aux côtés de ces Valeureux, j'ai recherché des «missions» chez Manpower, un terrain pas trop en pente pour le pavillon rêvé, j'ai fréquenté la salle de muscu, épongé des dettes chez Finaref, réclamé des F4 à l'Opac, servi de chauffeur pour récupérer des malades à l'hôpital psychiatrique et pour revendre de l'héroïne au détail et en semi-gros.
Au fil de cette épopée de proximité, l'injustice sociale - souvent discrète, invisible à qui ne la subit pas - s'incarne dans des visages, des récits pleins de rage et de joie.
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