L’évolution contemporaine de l’application du droit pénal permet d’observer au moins deux phénomènes significatifs. D’une part, on constate une dissociation de plus en plus fréquente entre le prononcé du jugement pénal et son exécution, avec comme conséquence que cette exécution n’est plus seulement rejetée dans l’ombre, mais totalement ou partiellement absente. D’autre part, se multiplient des mécanismes aboutissant à ce que la déclaration de culpabilité de l’auteur d’une infraction ne s’accompagne d’aucun autre prononcé. Fruits notamment d’un double mouvement d’individualisation et de diversification des peines, de tels phénomènes aboutissent inévitablement à une valorisation croissante du prononcé de la peine par rapport à son exécution, voire même de la déclaration de culpabilité par rapport au prononcé de toute autre condamnation. Loin d’apparaître comme des manifestations d’impunité, ces phénomènes constituent davantage une forme de passage à la limite d’une pénalité « immatérielle » où l’acte de punir se ramène à un pur acte de langage, consistant à réaffirmer la loi, à dire le crime, à désigner son auteur et à reconnaître publiquement le statut de la victime. Centré sur l’étude du jugement pénal, le présent ouvrage s’attache ainsi à développer l’idée que le dire apparaît non seulement comme un élément constitutif de l’acte de punir, voire comme une peine à part entière, mais encore, dans leur prolongement, comme un véhicule essentiel de leur mémoire et de leur oubli. Si l’analyse porte principalement sur les droits belge et français, elle s’étend également à d’autres systèmes juridiques.
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