«Tous les jours pareils. J'arrive au boulot et ça me
tombe dessus, comme une vague de désespoir, comme
un suicide, comme une petite mort, comme la brûlure
de la balle sur la tempe. Un travail trop connu, une
salle de contrôle écrasée sous les néons - et des
collègues que, certains jours, on n'a pas envie de
retrouver. On fait avec, mais on ne s'habitue pas. On en
arrive même à souhaiter que la boîte ferme. Oui,
qu'elle délocalise, qu'elle restructure, qu'elle augmente
sa productivité, qu'elle baisse ses coûts fixes. Arrêter,
quoi. Qu'il n'y ait plus ce travail, qu'on soit libres.
Libres, mais avec d'autres soucis.
On a remplacé l'équipe d'après-midi, bienheureuse de
quitter l'atelier. C'est notre tour maintenant, pour huit
heures. On est installés dans le réfectoire, autour des
tasses de café. Les cuillères tournent mollement, on a
tous le même état d'esprit et aussi, déjà, la fatigue
devant cette nuit qui va être longue.»
Ouvrier dans l'agglomération rouennaise, Jean Pierre
Levaray ne fait pas secret de son travail d'auteur
cherchant à s'évader du monde qu'il décrit : celui de
l'exploitation quotidienne du travail posté dans une
usine de produits chimiques. Cette réalité qui forge la
lutte des classes et la reproduit sans cesse.
Putain d'usine constitue une réédition des écrits
d'usine de l'auteur, revue et augmentée de la
chronique Après la catastrophe et de l'épilogue
industriel Plan social.
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