En 1857 Champfleury écrivait dans son essai Le Réalisme qu'il souhaitait « chercher les causes et les moyens qui donnent les apparences de la réalité aux oeuvres d'art ». A peu près à la même époque Flaubert parlait des nombreuses « ruses » subtiles que l'écrivain devait inventer pour faire vrai. Son fils spirituel Maupassant, lui, revendiquait pour l'écrivain réaliste l'étiquette, plus juste à ses yeux, d'« illusionniste ». Et Valéry indiquait, de son côté, un peu plus tard, que le « désir de réalisme » impliquait une « gymnastique » spécifique d'une certaine écriture. Le réalisme, variété donc d'un discours de manipulation. Un « faire croire ».
Ecrire le réel ne va pas de soi, et la mimesis, l'effet de réel doivent donc se fabriquer. Décrire les corps au travail, mettre en listes le réel, faire défiler le réel, peindre le dessus et le dessous, collectionner les reliques du réel, traquer le réel dans ses vibrations les plus intimes, dire le faux pour dire le vrai, voir le langage, mettre des détails, être sérieux, tels sont les motifs, déductibles de ce désir de réalisme, qui seront ici étudiés dans leurs conséquences dans l'écriture, dans la « gymnastique » et dans les multiples « ruses » de leurs mises en textes et en oeuvres.
Nous savons que nous ne voyons que rarement le réel. La plupart de nos comportements et actions sont souvent machinaux, automatiques, pilotés par des routines et des habitudes, et l'expérience nous montre que nous ne sommes vraiment attentifs au réel que dans trois circonstances bien particulières, trois circonstances d'ailleurs sérieuses, pour reprendre l'un des termes fétiches de l'esthétique réaliste : soit dans la rencontre amoureuse et le contact érotique, où les partenaires sont attentifs aux gestes, au détail des apparences, aux signes émis par le corps de l'autre, aux expressions et positions corporelles de l'autre comme à son propre corps ; soit quand nous faisons un sport ou une activité liée à la nature : un alpiniste, un pêcheur à la ligne, un skieur, un cycliste, un pilote de bateau à voile, un chasseur est en permanence attentif à tous les éléments du monde extérieur [...] comme aux parties, muscles, positions, souffle et mouvements de son propre corps, ou de celui de son coéquipier ; soit quand nous faisons un travail, où nous sommes tout aussi attentifs à la matière traitée, aux contraintes des divers instruments et machines utilisés, aux gestes de notre corps, à la coordination et à la séquentialisation de ceux-ci dans un espace concret et dans un temps imparti.
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