Lorsqu'ils ont colonisé l'Afrique, les Européens y ont imposé leur conception idéologique du langage. Pour eux, les pratiques langagières ne pouvaient être appréhendées qu'au prisme d'un ordre de la langue instituant l'essor d'une culture nécessairement nationale. Cette idéologie s'est traduite par la mise en oeuvre d'un véritable impérialisme linguistique : outre l'imposition des langues européennes, les missionnaires puis les administrateurs coloniaux ont façonné des « dialectes africains », catégorisés comme tels afin de mieux les reléguer au bas d'une fantasmatique hiérarchie des langues.
Si une telle vision, relayée par une partie des élites africaines et confortée, aujourd'hui encore, par les institutions de la Francophonie, a largement survécu aux indépendances, elle n'a jamais cessé d'être contestée - avec succès. C'est précisément de ce succès que Cécile Canut tire toutes les conséquences théoriques et politiques : en mettant au jour les biais inhérents aux approches prétendument scientifiques qui ont dominé l'étude du langage tout au long du XXe siècle, elle nous invite à provincialiser la notion même de langue, ce modèle décharné d'une supposée modernité.
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