Les lecteurs pongiens aiment à se dire séparés en deux camps : les tenants d'un Ponge phénoménologue et ceux d'un Ponge formaliste. Une telle représentation, posturalement conflictuelle et scientifiquement peu féconde, devait d'urgence être démontée. Peut-être phénoménologie et formalisme pongiens ne sont-ils que les manifestations d'un seul et même principe. Ce qu'ils donnent à lire, c'est l'empressement du poète à organiser sans relâche les deux grands corps qui enveloppent le genre humain, le monde extérieur et celui du langage. La démarche pongienne témoignerait ainsi d'une passion incontrôlée... pour l'ordre et le rangement. Ce caractère obsessionnel de l'écriture serait la signature de Francis Ponge, l'emprunte qu'il laisse sur tout ce qu'il manipule. Cela divise les lecteurs, mais ne le sépare pas. Les uns seront plus sensibles au geste de colmatage produit par cette immense machine textuelle, les autres à l'effet de brouillage qui en résulte, ressenti comme machination.
Dans un premier temps, l'auteur précise les contours de cette étonnante signature, en s'appuyant sur la pensée derridienne et sur l'enseignement lacanien. Dans un second temps, l'élaboration théorique s'efface derrière des lectures novatrices d'où se dégage une série de motifs pongiens centraux - l'appropriation du rite sabbatique, l'hostie comme siglaison de l'innommable, la poétique de l'habitat, le refus de la croyance, l'imaginaire du spectre et du bouffon -, mais généralement éludés faute d'un concept suffisamment fort pour les contenir tous.
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