Le RN est rarement crédité d'un vote d'adhésion. Jugeant l'hypothèse trop décourageante, ses détracteurs préfèrent évoquer le désaveu qui frappe ses rivaux, la toxicité de l'espace médiatique ou le délitement des solidarités ouvrières. Producteurs et parasites entreprend au contraire d'examiner la popularité de l'extrême droite à la lumière des satisfactions que sa vision du monde procure à ses électeurs.
Le parti lepéniste divise la société française en deux classes moralement antinomiques : les producteurs qui n'aspirent qu'à vivre du produit de leurs efforts et les parasites réfractaires à la « valeur travail » mais rompus à l'accaparement des richesses créées par autrui. Les premiers contribuent à la prospérité nationale par leur labeur, leurs investissements et leurs impôts, tandis que les seconds sont tantôt des spéculateurs impliqués dans la circulation transnationale du capital, financier ou culturel, et tantôt des bénéficiaires illégitimes de la redistribution des revenus.
Ancrée dans la critique des privilèges et des rentes, l'assimilation de la question sociale à un antagonisme entre producteurs et parasites n'a pas toujours été la chasse gardée de l'extrême droite. Sa longue histoire révèle toutefois que le désir auquel elle donne naissance passe toujours par une racialisation des catégories réputées parasitaires. Pour résister au RN, il est donc aussi nécessaire de dénoncer son imaginaire que de reconnaître l'attrait qu'il exerce.
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