En 1656, Jean-Joseph Surin (1600-1665) sort des vingt ans de folie à
laquelle la Possession de Loudun l'avait, croyait-il, condamné. Aussitôt la
nouvelle se répand. Surin écrit, on lui répond. Les lettres se multiplient.
Pour décrypter ses activités épistolaires, Surin emprunte à la mystique
la notion de «communication» : Dieu se communique lui-même et fait
naître, entre parole et silence, du cri à l'écriture, le désir de s'adresser aux
autres. Dans les dix dernières années de sa vie, Surin prêche, conseille,
écrit, publie grâce au secours de ses correspondants qui font rayonner son
oeuvre. Écrire est la réponse à ce don de Dieu qu'est pour lui la parole.
Pour autant sa théologie mystique ne masque pas les épreuves de toute
relation : comment me faire entendre quand ce dont je parle échappe
toujours et ne cesse pourtant d'appeler à communiquer ? La mémoire et
l'intelligence de son existence troublée lui ouvrent un passage. Sa vie dès
lors entre en résonance avec les écrits de Thérèse d'Avila, d'Ignace de
Loyola et la figure du Christ de la Passion, tenu pour fou et humilié.
La lettre spirituelle n'est pas l'exposé d'un savoir. Elle appelle à expérimenter
une disposition d'existence, à choisir un style de vie. Surin ne
transmet pas son expérience : il la raconte pour en susciter une, nouvelle,
singulière et unique chez son lecteur. La communication épistolaire prend
pour modèle la parole de Dieu suspendue à la liberté de l'homme.
Surin découvre qu'il n'est possible de communiquer que dans la
confiance aux pouvoirs de l'expression et dans l'épreuve de l'impuissance
à décider de sa réception. La lettre spirituelle est un événement de
communication qui avoue que sa réussite lui échappe et désigne ainsi ce
qui l'inspire.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.