« Corneille » n'existe pas. Telle est la bonne nouvelle de ce livre conçu lors du quatrième centenaire de la naissance de Pierre Corneille (juin 1606). Du moins n'existe plus guère, et on peut s'en réjouir, un Corneille statufié, monolithique, on serait tenté de dire de pierre...
Mais si la statue de Corneille s'efface ici, c’est pour laisser place à un portrait diffracté, complexifié, résolument ancré surtout dans l’étude des pratiques concrètes dont l’œuvre de Pierre Corneille est à la fois le résultat et le point de départ : que fait Corneille, et que fait-on de lui, en son temps et après ? Telle est la question qui guide les analyses de cet ouvrage.
« Il est facile aux spéculatifs d’être sévères », ironisait Corneille, invitant les doctes à mettre les règles « en pratique aussi heureusement » que lui-même l’avait fait (Discours des trois unités, 1660). Corneille, s’il est penseur ou poéticien, ne l’est en effet qu’au regard de pratiques, codifiées par des « arts » ou s’inventant à mesure, qui influent les uns sur les autres : comment s’articulent les pratiques de Corneille dramaturge, poéticien, mais aussi editor, paraphraste, académicien ou sujet du royaume de France ? Tissu d’actions d’autant moins séparées que le « champ littéraire » et l’expérience esthétique n’ont nullement acquis encore l’indépendance qu’ils revendiquent déjà. Comment retentissent sur l’œuvre le travail de la scène, les réactions du public, les jugements critiques, les réécritures et appropriations ? Tout en distinguant le temps de la réception de celui de la création, les six sections de l’ouvrage examinent de façon croisée les pratiques de Corneille et celles de son interprétation (théâtrale, critique) dans le temps, avec pour enjeu de restituer à l’œuvre de Corneille, dans sa diversité, sa dimension d’expérience.
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