L'étrangère : On rêve d'un service comme sur des patins, une chorégraphie à laquelle même le juge russe donnerait un dix point zéro zéro, on voudrait la performance montréalaise de Nadia, le temps d'un service parfait devenir la Comaneci de la restauration, exécuter un petit charleston joyeux et sautillant, de l'extraordinaire qui semblerait si facile, fingers in the nose. On rêve à ça, au coeur du moment parfait. Et puis, pfff... il s'envole. Il est passé, fini, le moment parfait. Il faut bien le lever complètement, le rideau de fer. Il faut bien ouvrir. Laisser entrer le monde. Le monde qui bouscule, gueule, cogne. Se le prendre dans la gueule.
Une journée qui s'écoule dans un café parisien, depuis l'ouverture au petit matin jusqu'à la fermeture tard dans la nuit.
Une journée qui pourrait être le condensé d'une année de vie dans ce lieu clos où le monde se réfléchirait comme dans un miroir.
Dans ce microcosme où les univers buttent les uns contre les autres, le choeur des serveuses est aux prises avec la vaisselle, les commandes improbables mais aussi les questions existentielles. Elles passent de l'un à l'autre et dessinent sans le savoir les infimes glissements d'existences entremêlées qui vont basculer de manière dramatique.
Car au terme de cette journée, des mondes qui n'auraient jamais dû se rencontrer vont se retrouver fort étroitement liés.
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