Après avoir décrit les méfaits, toujours d'actualité, de la loi Le Chapelier de 1791 ainsi que ceux du taylorisme, Michel Cornaton nous invite à mettre nos pas dans ceux de Primo Levi, qui nous conduisent de l'organisation taylorienne des ateliers à celle des camps de concentration. L'analyse du fonctionnement de l'entreprise est accompagnée d'extraits de journaux d'usine, en particulier celui de l'auteur, inédit. Au terme du parcours, nous arrivons à nous demander pourquoi les objets techniques, conçus le plus souvent dans l'allégresse innocente de l'invention, deviennent des machines à tuer.
Alors que l'on entend encore les refrains lancinants de la politique du plein emploi, en provenance d'un Eldorado aux gisements mythiques, le pire se rapproche : l'advenue d'un monde sans travail, le meilleur des mondes, l'oméga final. Le monde des objets, celui de la mondialisation, pour lequel les hommes ont été contraints à travailler, est parvenu à détruire le sujet humain, ce que les tyrannies de toutes sortes, même les plus cruelles du XXe siècle, siècle suicidaire, n'avaient réussi à accomplir. Que pouvons-nous faire ?
Une révolution. Non pas celle, tapageuse et infernale, des lendemains qui chantent et qui déchantent : l'humanité a déjà trop donné. Celle des esprits, d'abord par la reconnaissance du travail, tombé dans la déréliction et le scepticisme. Il est toujours temps de transformer les représentations que nous avons du travail et de sa valeur. Dans l'immédiat, il nous faut revoir nos idées sur l'entreprise ; l'époque où elle faisait figure d'ennemie de classe est révolue, celle où elle était une zone de non droit aussi.
Concernant la société française, il apparaît, trente ans après, que les lois Auroux, victimes de rapports de force contradictoires, n'ont pu aboutir à l'instauration d'une démocratie sociale sur le lieu de travail, complémentaire de la démocratie politique. Il ne reste plus qu'à espérer qu'après avoir laissé passer cette opportunité les acteurs sociaux se mobilisent autour d'une entreprise perçue non plus seulement comme source d'actifs financiers et de taxes locales, mais comme un espace de création et de solidarité, à responsabilité sociale et environnementale. La construction d'un monde meilleur est à ce prix.
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