À la fin des années 1960, la concurrence internationale
et la peur du déclassement transforment un populisme
de gauche (rooseveltien, conquérant, égalitaire) en un
«populisme» de droite faisant son miel de la crainte
de millions d'ouvriers et d'employés d'être rattrapés par
plus déshérités qu'eux. C'est alors que la question de
l'insécurité resurgit. Elle va embourgeoiser l'identité de
la gauche, perçue comme laxiste, efféminée, intellectuelle,
et prolétariser celle de la droite, jugée plus déterminée,
plus masculine, moins «naïve».
Cette métamorphose s'accomplit à mesure que l'inflation
resurgit, que les usines ferment et que l'«élite»,
jadis associée aux grandes familles de l'industrie et de
la banque, devient identifiée à une «nouvelle gauche»
friande d'innovations sociales, sexuelles et raciales.
Les médias conservateurs n'ont plus qu'à se déchaîner
contre une oligarchie radical-chic protégée d'une insécurité
qu'elle conteste avec l'insouciance de ceux que
cette violence épargne. Au reste, n'est-elle pas entretenue
dans ses aveuglements par une ménagerie de juges
laxistes, d'intellectuels jargonnants et autres boucs
émissaires rêvés du ressentiment populaire ?
«Progressistes en limousine» là-bas ; «gauche caviar»
chez nous.
Extrait de la préface de Serge Halimi
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