« Pour une histoire du regard ». Le premier attrait de ce livre est de proposer avant tout un art de voir. Décrivant l'avènement d'un « nouveau régime perceptif » et la manière dont les forces publiques tentent de le « programmer » au XIXe siècle, Pascal Griener développe sa propre méthode. L'ampleur de la recherche documentaire, la rigueur des analyses et de la démonstration s'allient à l'art de la déambulation urbaine. Erudite et savante, elle suppose une pratique personnelle de la grande ville, une humeur de promeneur disponible et imaginatif, sensible à mille croisements de rapports et à ces apparitions instantanées où, le temps d'un éclair, passé et présent se superposent. L'auteur s'affranchit des limites d'une histoire des collections cantonnée aux aspects institutionnels et politiques, ou au cadre étroit de l'historiographie nationale. Bien plus, il ouvre son enquête sur une autre perspective, celle d'une anthropologie du regard, pour explorer le statut de l'objet d'art dans sa dimension symbolique et dans sa charge magique. Il s'agit de pratiquer une double approche, en reliant l'expérience individuelle aux forces sociales qui la traversent et la façonnent. Le XIXe siècle dont nous parle Pascal Griener nous renvoie l'image du nôtre. Cet essai a le grand mérite de contrarier les habitudes de qui s'intéresse à l'histoire du goût et de la muséologie, et l'on ne saurait douter qu'il ne trouve des lecteurs attentifs au-delà du petit monde des spécialistes.
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