Toute sa vie, le romancier Natsume Sôseki (1867-1916) a composé, avec bonheur, des « poèmes en chinois classique » (kanshi), qui ont pour originalité de se rattacher au ton des grands modèles chinois tout en développant un mode d'expression résolument personnel, propre à refléter le cheminement de toute une vie intérieure : un état d'esprit imprégné d'une pensée de type extrême-oriental, conciliant taoïsme et bouddhisme. À mesure que nous avançons dans la lecture, Sôseki avance en âge et nous émeut progressivement par la patiente description de ce qu'il perçoit ou ressent, tantôt inquiet, aux prises avec la méditation et la maladie, tantôt rasséréné par le vert des bambous ou le jaune du colza, par la contemplation des paysages ou des « blancs nuages », toujours fidèle à la maxime sous- jacente à la plupart de ses poèmes : sokuten-kyoshi, « Suivre la Nature et quitter le moi ».
Trace du Vrai, vaste désert, trop vague pour qu'on la cherche.
D'un coeur entièrement net, cheminer à travers le temps !
L'onde et le mont virides n'ont rien qui leur fasse un soi-même ;
L'espace et la terre immenses ne sont que détachement.
Les indistinctes couleurs du soir, la lune sur les herbes ;
Les confuses voix de l'automne, le vent parmi les bois.
La vue, l'ouïe, je les oublie, le corps aussi, je le laisse.
J'ai tout le ciel pour chanter mon « Poème d'un blanc nuage ».
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