Conçue par un médecin et par un chirurgien, la guillotine succède aux supplices d'Ancien Régime et invente la mort pénale idéale : prompte et douce. Mais des doutes surgissent très vite sur son instantanéité. Comment concevoir qu'une tête séparée en une fraction de seconde du corps soit immédiatement et totalement privée de vie, de conscience, de sensation ? Et si la mort infligée n'est pas immédiate, quelle souffrance le décapité n'endure-t-il pas !
Cette possibilité physiologique, discutée très tôt par les médecins, envahit l'art, l'imaginaire et les débats autour de la peine de mort tout au long du XIXe siècle. Elle alimente un dialogue entre la société et ces experts autour de l'humanité de la guillotine et ses alternatives possibles. Mais elle offre aussi aux médecins, partagés entre le désir de rassurer leurs contemporains et celui d'assouvir leur curiosité de physiologistes, des conditions d'expérimentation proches de la vivisection, qu'il s'agisse de vérifier la survie éventuelle au pied de l'échafaud ou de tenter de transfuser les têtes exsangues au laboratoire. Se pose alors la question du corps du condamné, de ses usages, de sa dignité au regard de la médecine et de la société, et des pouvoirs qui s'exercent sur lui ; un corps dont les condamnés n'affirmeront que tardivement le droit à disposer post mortem, à la fin du XIXe siècle.
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