Que fait Hildegarde dans les Physica ? Rien d'autre que d'essayer de saisir dans tout ce qui nous entoure ce qui est caché sous un visage apparemment inerte ou étranger et qui pourtant sollicite notre imagination. À première vue, le dessein de la bénédictine est humble : découvrir dans tous les règnes du vivant ce qui nous peut être assistance et nous éloigner de la maladie et de la mort. Mais le projet lointain est beaucoup plus vaste, il est de rétablir entre la nature et nous ce lien de sympathie profonde qui nous arrache à notre solitude et nous réintègre dans le grand flux de la vie. À certains, l'approche médiévale pourrait sans doute sembler dérisoire et sans autre intérêt qu'archéologique. Mais derrière ce qui peut apparaître comme un banal inventaire du savoir du temps, se dévoile ce qu'il y a d'irremplaçable dans le message d'Hildegarde : la poésie, comme puissance de métamorphose. Et on nommera ici poésie la capacité de tout être humain d'inventer une relation singulière, et parfois difficilement exprimable, avec cet univers où nous circulons avec plus ou moins d'aisance.
Hildegarde nous parle du tilleul et du hareng, de la vigne et de la baleine, du dragon et du sureau... et de beaucoup de plantes et de bêtes. Elle reconstitue le grand théâtre de la vie, un théâtre où nous sommes acteurs parmi d'autres acteurs. À travers cette narration de la vie réelle, elle veut nous faire saisir la qualité particulière de notre rôle et la part que nous prenons au grand spectacle de la métamorphose
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