«Peu de chose nous divertit et détourne, car peu de chose
nous tient» écrivait Michel de Montaigne. Que signifie au juste être
diverti ? À quoi tiennent la force et la valeur du divertissement ?
«Divertissement» est devenu, sur la scène de la pensée et de la
littérature modernes, un concept essentiellement pascalien,
renvoyant à une fuite hors de soi et à une Misère fondamentale
de la condition humaine.
Or, entre Renaissance et Lumières, se développèrent des
pensées positives, constructives, du divertissement, dont la riche
fécondité est en grande partie méconnue ou sous-estimée. On a
voulu user ici de l'oeuvre de Saint-Évremond comme d'un prisme
permettant de décomposer certains mouvements propres à ces
nouvelles esthétiques de l'existence, qui impliquèrent de subtiles
transformations du modèle de «diversion» hérité d'Épicure et
de Lucrèce. Apparaît alors, chemin faisant, dans les marges de la
philosophie du Jardin, tout un réseau d'affinités diffuses, en amont
(du côté de Montaigne ou de Théophile de Viau) et en aval (du
côté de Voltaire, de Hume ou de La Mettrie).
En un temps où la Société du Spectacle ne cesse d'étendre
l'empire des divertissements standardisés, il n'est pas sans intérêt
de retrouver la saveur de ces variations libres, qui ne furent pas
pour rien dans l'invention de nouvelles manières d'être heureux.
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