Comment la mobilisation des savoirs et la construction d une expertise peuvent-elle façonner une trajectoire sociale ? La biographie intellectuelle de Philippe Frédéric de Dietrich (1748-1793) tente de répondre à cette question en examinant le cas du fils d'un riche maître de forges alsacien, souvent présenté comme celui qui aurait délaissé le monde de l'entreprise au profit d'une carrière savante, administrative puis politique.
L'observation des pratiques et des habitudes de travail de Dietrich met en lumière ses liens avec plusieurs collectifs de pensée : les naturalistes, les minéralogistes, le groupe de l'Arsenal, les bureaux du Contrôle général, les hommes des mines, les réformateurs influencés par le caméralisme d'outre-Rhin. L'examen de ses écrits permet de cerner la façon dont il a établi sa position à la confluence de plusieurs mondes. Par ses entreprises de traduction, il a contribué à la circulation de savoirs entre l'espace germanique et la France. Ses mémoires rédigés pour le Contrôle général témoignent de sa lecture économique des ressources minières, de même que ses efforts pour élargir aux techniques le corpus des savoirs mis à la disposition de l'État monarchique. Au début de la Révolution, il tente de concilier réformes et carrière personnelle.
Entrepreneur des savoirs, Dietrich l'est donc à plus d'un titre et son parcours, des années 1770 aux années 1790, offre un observatoire privilégié de ce qui se joue dans le dialogue entre savoirs et pouvoirs.
Cette monographie contribue à questionner la mise en place d'une société des experts à l'aune de l'histoire. Entre savoir et action, pouvoirs publics et entreprises privées, l'expert y apparaît à l'époque moderne comme un faiseur de projets et un porteur de réformes auxquels puissants et opinion publique ne demandent qu'à croire.
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