On peut trouver , sans doute, à la ville qui forme le cadre de ces souvenirs, un air européen qu'altèrent à peine de légères touches d'exotisme. Il semble qu'il s'agisse d'un temps plutôt contemporain, tendant épisodiquement vers le futur, avec des archaïsmes marqués qui tirent bien jusqu'au Ve siècle avant J.-C. Une anamorphose, en somme, de notre géographie, notre histoire ?
Là-dedans, un homme se souvient de quelques autres, et d'une femme, des événements plus ou moins révolutionnaires, et peut-être à demi légendaires, qui les firent, autrefois, se rencontrer, de comment ils n'ont cessé de chercher depuis à réinterpréter, chacun à sa façon mais tous avec une obstination confinant à la folie, des signes hérités, devenus lettres mortes. Mais il n'est pas interdit - ni le moins du monde obligatoire - de penser que ces personnages ne sont que différentes figures de la mémoire d'un seul, qui a aimé une femme dont la beauté demeure l'ultime évocation lorsque tout aura sombré : la ville, gagnée par un mal auquel conspirent aussi bien une absurde sophistication qu'une barbarie répugnante, tombe insensiblement en servitude au fur et à mesure que la vie du narrateur va vers sa fin.
Bref, il y a, si l'on veut, un versant "Considérations sur les causes de la décadence des nations" et un versant amoureux à ce livre, double pente dont s'autorise la référence mallarméenne du titre : le souvenir d'une femme est ce qui donne, un instant, "l'oubli d'exister à une époque qui survit à la beauté".
Afin de calmer, peut-être, quelques angoisses, l'auteur tient à affirmer qu'il a essayé de tenir à l'esprit cette règle de goût donnée dans Le Temps retrouvé : qu'un roman encombré de théories est comme un objet offert sur lequel on aurait laissé la marque du prix.
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