Ce livre s'interroge sur le statut de l'inimitié politique dans les
sociétés contemporaines.
Le jeu de ce qui s'auto-désigne aujourd'hui comme «la démocratie»
consiste à entretenir le déni du conflit et de la division en établissant
un régime général de fluidité où toutes les aspérités seraient solubles
dans une communication bien réglée. Il consiste à nous convaincre
qu'il n'y a que des «partenaires sociaux» simplement séparés par
des malentendus ou des divergences destinées à s'effacer devant le
partage du sens de l'intérêt commun. Il consiste tout autant à accréditer
la fable selon laquelle le cours de l'Histoire serait désormais
réglé sur le principe de la démocratisation du monde, ce qui s'y
oppose ayant vocation à être éliminé comme pure scorie de ce parachèvement
de la Raison historique.
Contre ces fictions destinées à légitimer l'hégémonie exercée par le
bloc de puissance qui a capté le nom de la démocratie, cet essai s'efforce
de montrer que, la vie politique continuant envers et contre
tout d'être placée sous le signe d'une division et d'une conflictualité
non moins vives qu'hier, le quelconque aux visages multiples ne
saurait renoncer à concevoir qu'il a bel et bien des ennemis ; des
ennemis qu'il importe de tenir à distance, avec lesquels le partage
d'un monde commun est davantage un faux-semblant qu'une
évidence.
En proposant une traversée de différentes figures dans lesquelles est
posée la question de la relation avec l'ennemi, des pratiques de l'inimitié
(un roman oublié de Maurice Barrès, le classique Silence de la
mer de Vercors, les relations entre les États-Unis et le Japon après la
fin de la Seconde Guerre mondiale...), ce livre tente de faire revenir
dans la réflexion politique contemporaine cette question lancinante :
sous quelles conditions et à quelles fins pouvons-nous parler avec
nos ennemis - ou devons-nous nous abstenir de le faire ?
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