Petite sociologie des gilets jaunes
La contestation en mode post-institutionnel
Par son intensité, par ses modes d'expression, le mouvement des Gilets jaunes a pris de court les politiques, les commentateurs, les journalistes. Pour les chercheurs en sciences sociales, il constitue également un défi : qui sont exactement les Gilets jaunes ? Comment rendre compte en termes sociologiques de cette France des « invisibles », des « petits moyens », souvent rurale et périurbaine ? Au-delà des motifs d'exaspération mis en avant (taxe sur le carburant dans un premier temps), comment expliquer une telle mobilisation de masse ? De quelles évolutions sociétales le mouvement des Gilets jaunes témoigne-t-il ?
La lecture ici proposée privilégie une grille de lecture, celle du déclin des grammaires institutionnelles. La mobilisation des Gilets jaunes naît à l'écart des syndicats et des partis politiques, elle inscrit la défiance à l'égard des institutions au coeur de son discours. Le mouvement refuse de se doter de représentants, de porte-parole, de leaders. Il défie volontiers les médias institutionnels. Et surtout, il défie le politique en interpellant le chef d'État personnellement. Mais ce faisant, ne reproduit-il pas la grammaire individualisée dont Emmanuel Macron a usé tout au long de sa carrière politique ? Chacun à sa façon, le président et le mouvement des Gilets jaunes témoignent de la tendance contemporaine à récuser les grandeurs institutionnelles au profit d'une conception individualisée du social, dont les mots d'ordre sont désormais l'authenticité, la transparence, l'injonction à être soi-même.
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