« Un petit lexique amoureux est une occasion de dire qu'il y a aussi dans le journalisme de la naïveté, de l'utopie et de l'idéal, donc beaucoup d'affect. Dans ce métier, à vingt-cinq ans, on veut refaire le monde; à quarante-cinq, on essaie d'en limiter les dégâts; après on pense à autre chose, à moins que, dans le courrier du matin après une émission, on ait lu: « Merci de me donner matière à réfléchir, pas du prèt-à-penser. »
Le propos est amoureux et toujours passionné. Il s'agit d'un vécu de terrain. De l'écriture du journal à la suppression de la publicité à la télé par Nicolas Sarkozy. Du grand reportage au « tout info ». Du journalisme comme moyen de rentabilité au téléspectateur devenu le consommateur d'un « produit » en boucle. Du plaisir d'accueillir un bel auteur qu'on a envie de suivre à la minuscule jouissance du scoop. De la volonté de faire réfléchir à la fabrique de l'illusion. Du grand public à la ménagère de moins de cinquante ans. Du smartphone et du web qui feraient de vous et moi un grand reporter du monde à la communication mondialisée et occidentalisée. De l'information au « temps de cerveau humain disponible » vendu à une boisson gazeuse. »
Philippe Lefait
Parmi les diverses entrées de ce lexique, on trouvera:
Audimat, dommage qu'un lexique amoureux commence par ce chancre...
Infiniment, parce qu'un jour, écoutant une interview se terminer par: « Merci, Madame Bettencourt, merci beaucoup, merci infiniment... », on se demande « De quoi ? »
Fortune, celle du gagnant du loto dont on choisit de faire la une alors mème qu'on génocide du côté des grands lacs en Afrique.
Plaisir, de la rencontre, de l'invité qui se donne. Ce jour-là, Roland Dubillard.
Présentation, celle du journal, « une masturbation sans les mains ».
Solitude, quand le rouge est mis et que le ventre rétrécit, encore aujourd'hui.
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