« Si Kleist retourne comme un gant, si singulièrement, l'histoire traditionnelle d'Achille et de Penthésilée, si c'est l'Amazone dans sa pièce qui meurtrit et déchire l'Invincible, c'est que l'instinct du poète l'avertit qu'ici seulement il a raison contre l'évidence, ici seulement il retrouve un contact, une plénitude de signification plus haute que toute vraisemblance, convoque autour de ses héros pour donner à leur acte une résonance presque indéfinie tout le prestige rajeuni des vieux mythes solaires : Osiris déchiqueté, et pleuré par une femme, l'ivresse meurtrière des Bacchantes, le sang d'Adonis ruisselant à l'automne dans les torrents du Liban. L'effet soudain d'agrandissement qu'on ressent si vivement dans les dernières scènes se nourrit tout entier de ce puissant sentiment cosmique dont Kleist a rouvert les sources : la mort d'Achille n'est pas un meurtre tragique ; c'est une "passion" exemplaire où la terre communie et sur laquelle descendent naturellement les ténèbres - un immense coucher de soleil sanglant. »
Julien Gracq
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