Qu’Yves Bonnefoy ait été lecteur d’Alfred Jarry et du plus érotique de nos grands poètes, Gilbert Lély, est un fait peu connu et cependant capital à plusieurs titres. Au titre de la compréhension véritable de sa conception de la poésie, tout d’abord, qui traverse en les intégrant toutes les forces du désir ; au titre de la reconnaissance du rôle central que joue dans le processus créateur ce qu’avec la psychanalyse on a pris l’habitude de nommer scène primitive : c’est-à-dire l’un des fantasmes dits originaires dont les créateurs seraient précisément ceux qui s’en saisiraient pour le réélaborer en faisant œuvre. L’essai passe ainsi d’une lecture de Jarry à une autre de Lely – toutes deux centrées sur le rôle moteur de l’affrontement à leur propre scène primitive. Or, cette hypothèse, dont Patrick Née crédite l’interprétation d’Yves Bonnefoy en l’entrelaçant à sa vision personnelle de ces deux auteurs, vient de trouver une éclatante confirmation dans une sorte de trilogie récemment publiée, Deux scènes et notes conjointes, où Yves Bonnefoy aborde directement sa scène primitive.
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