Depuis son dernier périple accompli deux ans auparavant, Bashô (1644-1694) n'avait pas repris la route et vivait paisiblement dans son Ermitage-au-Bananier, sur les bords de la rivière Sumida, à Edo (actuel Tôkyô), se consacrant à l'écriture, à la lecture et à l'enseignement du haikai ou poésie enchaînée. Soudain, au milieu de l'automne 1687, l'envie le prit d'aller voir la pleine lune au sanctuaire de Kashima, l'Île-aux-Daims. Il partit donc sur ses « jambes grêles », avec deux amis. L'un était un samouraï sans patron, l'autre un moine qui trimbalait sur son dos une statue du Bouddha. Mais voilà que le ciel se brouilla. Allaient-ils pouvoir contempler la lune ?
De cette excursion (environ 90 km), tantôt à pied, tantôt en bateau au fil de l'eau, à travers la lande dont les buissons de lespédèzes se couvraient de fleurs mauves, où s'agitaient les hampes des graminées, par les rizières que l'on commençait à moissonner, il ramena cette charmante et brève relation, suite de notations que l'on pourrait comparer à un album de croquis et de lavis. On y retrouve l'humour et l'humanisme du poète, sa vive sensibilité à la nature, sa communion avec les écrivains du passé, son élévation mystique. Comme toujours, il procède par allusions, citations que nous avons explicitées et commentées dans nos gloses.
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