1914, commencement de la guerre, mort de Charles Péguy, le 5 septembre,
au début de la bataille de la Marne, Mais l'histoire continue, et tente de le
reprendre. De Gaulle voulut le « panthéoniser ». Péguy reste enterré près de
Meaux au côté de ses hommes. Restée l'arracher à sa légende, à déboutonner
l'uniforme pour faire apparaître l'énergie d'une langue et l'acuité d'une
pensée. Point final aux contresens qui ont entouré l'homme et l'oeuvre.
Point final, mais aussi point de fuite : Péguy échappe à l'histoire. Son oeuvre
ne s'y inscrit qu'en la dépassant. La mort héroïque n'est pas évacuée, mais
n'est pas non plus une fin en soi. Elle est l'horizon différé de son écriture,
l'événement répété dans des proses souvent posthumes, où Péguy pense
l'histoire et défait l'héroïsme napoléonien. On découvre comment il voulut se
sauver de et dans l'histoire. Pas de fin, donc : ouverture, où tout reprend.
Point d'origine, alors : Péguy prit les histoires à rebours pour atteindre
le moment où l'éternel soudain s'incarne dans le temporel. Ainsi l'affaire
Dreyfus n'est pas ce qu'en ont fait les politiques : remonter à son commencement,
c'est entendre la révolution morale dont elle était porteuse. De même pour
l'histoire de France, du peuple juif ou du christianisme. Revenir en amont de
toutes les fondations, c'est relancer les possibles, ici et maintenant.
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