L'histoire de l'Algérie court comme le vent. Ce qui était vrai hier risque d'être mort, et tel homme, telle équipe a souvent exprimé un instant ou un geste plus qu'une doctrine, une classe ou une société.
Une étonnante permanence, pourtant, dans ce mouvement perpétuel : la paysannerie algérienne. Permanence, d'ailleurs, n'est pas sclérose. Et si ce peuple, acharné sur son sol, dans ses vignes ou ses terres à blé, sur ses plateaux arides et ses montagnes, ne se transforme que lentement, si la tradition enserre toujours sa vie, barde sa foi et arme sa résistance, la violence coloniale puis la guerre d'émancipation l'ont secoué jusqu'au tréfonds et ont ouvert des voies par où s'insinue le souffle du renouveau.
Par le malheur de la guerre, par la grâce de l'indépendance et de ce qu'on appelle hâtivement peut-être « la révolution », le paysan algérien voit remises en question bien des données de son existence, les dimensions de son champ, son mode de culture, le bénéfice qu'il tire de sa terre, les fruits qu'elle fait jaillir. Tout est là, tout est à changer, tout peut-être changera.
Michel Launay, que la tourmente de ces dernières années a jeté sur ce sol, parmi ce peuple qu'il a aimé, dit ce qu'il a vu, ce qui pourrait être, ce que ces hommes souhaitent, ce qu'il souhaite avec eux.
Jean Lacouture, 1963
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