Revenant sur son installation comme agriculteur exploitant, Jacques
Le Roy Ladurie disait : «J'ai découvert le monde paysan, mon maître,
et, entre 23 et 80 ans, je lui ai consacré 100 % de mon activité». Né en
1902 d'une famille bourgeoise où l'on sert Dieu et la Patrie au prix
parfois de douloureux dilemmes, le jeune homme rejoint la mouvance
des associations rurales constituées aux termes de la loi de 1884. S'il
pratique le «syndicat-boutique» - qui fournit engrais, petit matériel,
assurances, épicerie - «Maît'Jacques» fait mesurer leur interdépendance
à ses camarades normands : «Les familles paysannes, toutes sans distinction,
s'y retrouvent, car toutes se sentent menacées dans un siècle
qui ne semble pas fait pour elles». En 1932, il commence à parcourir
la France ; en 1934, l'Union Nationale des Syndicats Agricoles (UNSA,
1 million de familles associées) fait de lui son secrétaire général.
Prétendant «franchir l'étape des critiques faciles, atteindre celle plus
malaisée des solutions constructives», il milite à faire de l'agriculture
française une vaste corporation libre de toute inféodation. Dans
l'éprouvante incertitude de l'entre-deux-guerres, il veut rendre espérance
et foi en la France aux 20 millions des Français les plus éprouvés par les
tueries de 14-18.
«JLRL» parle, écrit beaucoup. Mine d'informations sur le monde
rural, courriers et articles nourrissent le présent ouvrage. L'homme a un
entregent formidable, séduit par son allant, ses compétences. Grand
gaillard d'un mètre quatre-vingt-cinq au regard droit, l'apôtre de la
révolution corporative n'a rien du petit saint besogneux !
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