Dans ce texte de 1962, le philosophe allemand Joachim Ritter dresse avec clarté et profondeur les raisons intellectuelles et historiques de la présence sensible du paysage dans les sociétés modernes. Le paysage, affirme-t-il, est une création liée à l'émergence de la sensibilité esthétique, c'est-à-dire de la capacité à se relier de façon non utilitaire à la nature pour simplement jouir de son apparence. Le paysage accompagne le développement de la science et de la technique, mais en prenant en charge ce quelles laissent par principe de côté, à savoir les relations sensibles et émotionnelles aux espaces qui nous entourent. De même, le paysage traduit de manière particulière l'effort constant, métaphysique, des êtres humains pour donner un sens à leur univers. Autrement dit, il prolonge une intuition philosophique que la science et la technique modernes ont négligée. Le paysage, selon Ritter, ne peut se concevoir que dans le cadre de la liberté des modernes, et cela, justement, au sein de ce que l'époque a rendu possible : un regard sécularisé sur le monde. Mais il exprime une intention philosophique sur le mode particulier de la sensibilité.
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