À la fin du xviiie siècle, Paris a besoin d’eau. Napoléon s’empare du dossier. En mai 1802, il décide de créer un canal reliant la rivière Ourcq à Paris. Un chantier gigantesque est né. Il ne s’achèvera que vingt ans plus tard, non sans avoir provoqué l’une des controverses techniques les plus impressionnantes de son temps. Sont en jeu la qualité et la quantité d’eau nécessaires, le tracé du canal, la possibilité d’un usage mixte, à la fois adduction d’eau potable et canal de navigation. Toutes ces questions requièrent le développement de savoirs nouveaux, mais qui se révèlent insuffisants pour régler les désaccords. L’expertise des ingénieurs d’État en charge du projet, leurs modes de délibération et de décision se heurtent aux prérogatives du pouvoir politique, même dans les décisions techniques. Les Travaux Publics qui concernent l’eau sont restés des objets politiques de la plus haute importance. En suivant les nombreux rebondissements et facettes de cette dispute, cette histoire singulière donne à voir une part manquante de l’imaginaire du projet contemporain : sa dimension délibérative. Si les projets modèlent les actions et changent le monde, avant de les mettre en œuvre, il s’agit de se mettre d’accord sur ce qui doit être construit et comment. Une affaire de civilité et de procédures avant même de devenir un enjeu démocratique.
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