Les grandes oeuvres frappent d'abord par leur capacité de rupture. Elles semblent accélérer le temps, périmer ce qui les précède. Leur façon de s'inscrire dans le présent, de l'occuper, est de reléguer le passé, de le marquer comme tel, de le mettre à distance. Cela dit, il est aussi possible d'affirmer le contraire. À partir des grandes oeuvres et de la rupture qu'elles instaurent, on peut relire l'histoire, éprouver les liens nouveaux qui se sont tissés. « J'influence mes prédécesseurs » n'est pas qu'une boutade. Cela veut dire, je change la grille de lecture. Proust ajoute à Saint-Simon en lui empruntant. Cézanne, après les cubistes, n'est plus le même. Les grandes oeuvres sont aussi celles qui font changer le discours. Elles périment une manière de peindre, elles périment aussi une manière de parler de la peinture. Ryman oblige le commentateur à des révisions déchirantes.
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