Tout texte est un palimpseste, à la croisée des traces effacées et d'un nouveau lancer de dés.
Tout poème est une convocation de l'inouï, une proposition d'impossible.
Toujours sur la ligne de crête où l'inaperçu vient rompre silence et élever sa voix, à jamais non répertorié dans le bal des proses apprivoisées.
Choisir de décliner des fragments de monde selon l'axe des quatre éléments physiques - la terre, l'eau, l'air et le feu -, c'est tenter d'illimiter l'écriture en un corps dansant et frapper les choses au coin du verbe.
Double mouvement en miroir, double pari. En sécession avec les codes régnants du penser et de l'exister. À l'écart de l'institué et du figé.
Afin de phraser ce qui se soustrait à la visibilité, ce qui est exclu de la présence, les vents de l'ailleurs doivent souffler sur la langue.
Jamais à la solde de ce qui est, la poésie invente son espace-temps propre, dans la sédition de vocables qui tombent hors de leur usage marchand, hors d'eux-mêmes.
Le verbe ne se tient qu'à hauteur d'une insurrection contre tout ce qui le minore, le corrode, l'aseptise. Prêt à affronter des temps qui ne relèvent d'aucune conjugaison, le verbe allume les points de crise de la grande Histoire et des lambeaux de petits récits, débusquant les noms silencieux sous le vacarme des choses, les puissances vitales dans les tribus de mots hors de leur gond.
Le tremblé, le bougé que le poème induit dans la langue du monde et dans le monde de la langue n'est pas sans ricocher sur lui-même.
Nul m'emporte et ne déporte s'il n'est d'abord transporté.
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