Paradoxe
Frédérique Toudoire-Surlapierre
Oui/non
Savoir dire non, c'est affirmer sa force de caractère. Le non
est un séducteur, il a toujours eu les faveurs intellectuelles de
l'Europe. Il permet le débat, la contestation, il met en valeur
l'esprit critique. Mais ce mot est dangereux : poussé dans ses
retranchements, il peut devenir nihilisme ou négationnisme.
Le oui paraît en revanche beaucoup plus insignifiant. Il est le
mot de l'accord, du consentement, de l'assentiment un peu
béat. La littérature a stigmatisé cette posture par le oui du
mariage, le happy end attendu des comédies. Le oui ne serait
donc pas plus qu'un faire-valoir du non, une sorte d'interlocuteur un peu naïf sommé de lui donner la réplique ?
C'est sans compter les chocs de l'Histoire et les traumatismes
de la seconde guerre mondiale qui ont redistribué les cartes du
oui et du non, relativisant la force de l'un pour postuler la
nécessité vitale de l'autre. Pris entre le oui et le non, le lecteur
est pris entre deux feux littéraires. Tout l'avenir de la littérature
est ainsi mis en question.
Se libérer des stéréotypes de la langue et des conventions
sociales, des affirmations commodes et des refus catégoriques,
prendre ses distances avec le non, assumer la légèreté et la sensualité du oui nous permettra-t-il de nous défaire de la négativité et du pessimisme ? C'est tout le pari de cet essai.
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