Opus Dei, l'«oeuvre de Dieu» est l'expression qui désigne tout au
long de l'histoire de l'Église catholique la liturgie, c'est-à-dire l'office
du prêtre à qui incombe le «ministère du mystère». Cette oeuvre
n'est-elle pas, en apparence, ce qu'il y a de plus séparé des pratiques
qui régissent la vie des individus et des sociétés modernes ?
C'est cette séparation que l'enquête archéologique de Giorgio
Agamben se propose de démasquer, en dévoilant les filiations
inattendues et les liens cachés qui l'unissent à la modernité.
Comprendre le mystère de l'office signifie alors saisir l'influence
considérable que cette pratique a exercée sur la manière dont notre
culture a conçu son éthique comme sa politique, son économie
comme son ontologie. Car le mystère de l'office n'est autre que le
mystère de l'efficacité, à l'intérieur duquel ce que l'homme est se
résume dans ce qu'il a à faire et où tout acte est un acte d'office. Du
fonctionnaire au militant politique, de l'officier au professionnel,
le paradigme de l'office n'a cessé de modeler la praxis des hommes :
plus efficace que la loi, parce qu'il ne peut être transgressé ; plus réel
que l'être, parce qu'il ne consiste que dans l'opération par laquelle
il se fait réalité ; plus absolu que toute action humaine, parce qu'il
agit indépendamment des qualités du sujet qui l'exerce.
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