Si les ombres font partie de notre expérience visuelle et s'il arrive que nous y prêtions attention, leur rôle dans notre connaissance du monde, et singulièrement en peinture, reste mystérieux. Après les premières incursions de Léonard de Vinci, c'est au XVIIe siècle, avec Locke et le «problème de Molyneux», puis au XVIIIe siècle, avec Berkeley et les théoriciens français des Lumières, que revient le mérite d'avoir posé en des termes nouveaux la question de la perception en s'efforçant de mieux cerner la part de l'ombre dans la construction de notre vision.
Michael Baxandall, poursuivant une réflexion engagée de longue date sur l'attention visuelle, confronte les œuvres et les réflexions d'artistes comme Largillierre, Oudry et Chardin aux théories d'hommes de science comme Bouguer, Forney ou Lambert. Puisant dans les recherches les plus récentes sur la perception et mobilisant, notamment, les apports des sciences cognitives et de l'infographie, il propose aussi une lecture nouvelle d'œuvres classiques (Giotto, Masaccio) et montre tout le parti qu'on peut tirer de cette investigation dans l'analyse du Jeune Dessinateur de Chardin, dont la peinture de l'ombre est à la fois le médium et le thème.
Esthétique, pratique artistique et théorie de la connaissance convergent ici avec la science optique pour explorer d'une façon originale une composante de la perception visuelle familière à l'historien de l'art, mais, curieusement, encore fort peu étudiée.
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