« C'est peu de chose un regard mais le monde y tient. »
Dominique Sampiero est lyrique. Écrivain à brusques bouffées d'air, de tendresse et de fièvre. À changements soudains de climat, de tonalité, de régime. À précipitations, lenteurs, adorations, vertiges, chutes, louanges et palpitations... Il est à lui seul toute une gamme de lyrismes. Une octave. Une portée. Une partition de voix.
L'écriture de Dominique Sampiero tend vers l'étreinte. S'efforçant aussi bien d'embrasser ce qui est là lumineusement, notre « fraîche évidence », que d'empoigner l'obscurité qui nous supporte, nous attend et nous échappe. Tous ses livres sont des entailles et des entrailles : des famines et des soifs, des élans, des frayeurs, des ventres et des sexes aussi avec leurs coulures, et des regards toujours ouverts en grand sur le monde proche, attentifs aux moindres signaux de ceux qui y vivent, nos semblables.
Sampiero écrit « tôt le matin », avec sa faim. À l'heure où s'éveille le besoin de sens et de présence (« J'ai faim tout à coup du monde »). Cet appétit lyrique de vivre, le visage d'autrui le ravive en lui : rien de nécessaire et d'urgent qui ne passe par là, accrochant ses pas à un être, tendant les phrases comme des bras, des paumes, vers sa figure et vers son corps. Les mots sont l'ombre portée des invisibles liens qui nous attachent à nos semblables. Liens de coeur devenus fils d'encre, aussi bien que filets de voix, filages de temps, fêlures et afflux.
La voix de Sampiero est en lutte. Contre la matière, contre le sommeil, contre le vertige. Entre abandon et raidissement, elle s'écrie et s'écrit par poussées ou par chutes, en lignes de prose brisée, en saccades, en rythme toujours. Car « écrire est le même épuisement d'amour que l'amour ».
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