L'écrivain israélien Aharon Appelfeld dit que les romanciers russes, Tolstoï, Dostoïevski, Tchekov, Tourgueniev, savaient aimer « leur peuple, leurs douleurs et leurs blessures ». Vassili Grossman, romancier russe né en 1905 dans l'une des capitales juives de l'Ukraine et mort à Moscou en 1964, aimait son peuple et sa mère. Son oeuvre rend compte du chant secret de ceux qui, dans la Russie stalinienne, croyaient encore que la liberté, la tendresse, la bonté étaient « le pain et l'eau de la vie ». La pensée de cet homme, l'un des écrivains majeurs du XXe siècle, seul face à la tragédie totalitaire, dépasse les circonstances. Affrontant les horreurs et les idéologies mortifères de son temps, il parle « du grincement combiné des fils de fer barbelés de la taïga sibérienne et du camp d'Auschwitz ». Grossman, c'est aussi un destin hors du commun. D'abord chimiste de son état (comme Primo Levi) puis écrivain, il se montre un serviteur docile de l'État soviétique avant de centrer sa création sur le phénomène totalitaire. Son roman, Vie et destin, est saisi par le KGB et Grossman interdit de publication. Il meurt après avoir mis au point une dernière version de Tout passe, son testament spirituel, sans jamais savoir si ces textes seront publiés. C'est bien après sa mort que ses romans seront découverts en Occident.
Ce volume, présenté par Tzvetan Todorov, réunit l'essentiel des écrits de Grossman postérieurs à la mort de Staline, Vie et destin, Tout passe, ainsi que plusieurs nouvelles et des lettres inédites à sa mère et à Nikita Khrouchtchev. La traduction de Vie et destin, véritable Guerre et Paix du XXe siècle, ce chef-d'oeuvre de la littérature mondiale, a été révisée et restituée pour la première fois dans son intégralité, conformément à l'édition russe de 2005.
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