La pensée occidentale se veut une rupture radicale, mais
l'univers qui en naît est très inquiétant. A l'ordre
mythique et majestueux des traditions se substitua dès le
XVIème siècle l'aventure de mondes ouverts à la conquête :
commençait alors l'âge des grandes découvertes, des
conquistadores, de la traite négrière et des empires coloniaux,
suivi par le néo-colonialisme et une mondialisation où domine
encore le monde occidental.
L'individu qu'inquiète d'autant plus le monde qu'il le
prend dans ses filets et qu'il ne peut imaginer ses victimes
que pleines de colère et de ressentiment, tourne le dos à
l'appel vers l'autre. Pour faire taire ses peurs et ses doutes, il
se livre à la magie des représentations : il est le maître désigné
d'une matière à laquelle il imprime une forme, des hommes
nus et sauvage auxquels il impose un vêtement et sa loi, d'un
autre à la fois menaçant et inférieur, donc promis à la défaite.
Mais si ces représentations ne sont que des mythes liés aux
idéologies qui justifient l'agression, si elles n'ont que peu à
voir avec le réel, ne sont-elles pas dès lors autant de fantasmes
nés d'une situation coloniale ?
Cet ouvrage étudie ces représentions dans les littératures
anglaises et françaises et même dans la peinture occidentale.
Le regard des écrivains abordés se pose sur l'Afrique du Nord,
l'Afrique au sud du Sahara, Madagascar, l'Inde et les
Amériques. Grande littérature, littérature coloniale, ouvrages
pour enfants, récits de voyage, essais, discours coloniaux sont
passés au crible grâce à diverses contributions qui évoquent
cinq siècles de domination occidentale sur le monde et
soulignent souvent, derrière le fantasme, des interrogations
sur le corps, l'identité, l'innocence, le rapport à l'autre et à
soi-même qui alimentent les angoisse d'hommes contraints
de vivre avec leurs démons et leur fragilité.
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