Nous autres à Vauquois (1915-1916)
A quoi bon ? Ils ne pourront jamais comprendre, est la phrase que j'ai entendue bien souvent chez les poilus, phrase qui confesse l'impuissance du soldat à traduire en mots ce qui est à peu près intraduisible parce que les mots sont destinés à être compris tandis que les choses du front, serties dans leur atmosphère, ne peuvent être perçues que par les cinq sens et surtout, et par contre coup, par l'âme. C'est avec notre chair que nous avons compris la guerre et tous ceux dont la chair a été à l'abri se font illusion quand ils veulent connaître la guerre par l'étude. [...] Le livre de Pézard est un de ces chefs-d'œuvre dont le mérite n'est pas évident à la première lecture. Il demande à être découvert progressivement. Si le texte ne se laisse pas posséder dès le premier abord la faute en est au manque de clairvoyance du lecteur qui s'attend à la simplicité là où il ne saurait y en avoir, à la clarté là où pour la trouver il faut la chercher assidûment. L'œuvre de Pézard est la plus ambitieuse de toutes les œuvres de guerre : si comme les meilleures elle prétend révéler la vérité, elle semble être la seule qui ait entrepris d'exprimer l'inexprimable, de dire l'indicible, de montrer cette vérité qui ne peut s'énoncer par des mots, celle qui est du domaine de l'intuition, du pur sentiment, cette vérité pourtant si évidente aux combattants qu'elle les tourmenta et leur fit dire que l'essentiel de la guerre est ce qui n'a jamais été dit parce que cela ne peut se traduire en paroles humaines... (Jean Norton Cru, Témoins, essai d'analyse et de critique des souvenirs de combattants).
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