Je me souviens des paroles de Waldemar Cuzco, le jour où il nous laissa partir vers l'Europe. Il nous avait pris sur ses genoux, mon frère et moi, et, de sa voix sourde qui nous remuait le ventre, il avait dit : «Au fond de vous, minuscule, dort le Brésil. Plus vous grandirez, plus il grandira. Il bougera. Ca vous tirera de partout. Vous serez comme une femme qui va mettre un enfant au monde. Vous trouverez qu'il fait froid de ce côté-ci de l'Atlantique. Vous aurez envie de fruits secs et sucrés, de ces chants lancinants et tendres qui déchirent nos ciels plus net que les orages. Alors il faudra rentrer.» J'avais onze ans et Pacifico huit. Trente années ont passé. Nous n'avons jamais eu froid. Au fond de nous, ce n'est pas un pays qui a grandi mais un homme. On n'oublie pas Waldemar Cuzco. Avec lui nous avions fui l'Amazonie sans regarder en arrière. Il connaissait les gestes qui sauvent, comme attacher des lanières tressées, le soir, aux troncs rugueux des flamboyants. Jamais nous n'avions goûté au balancement paisible des hamacs. Waldemar Cuzco nous offrit ce que tous les enfants de la terre attendent avant de s'endormir, le bonheur d'être bercés.
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