Lukas ouvrit la première valise et leur mit la loutre entre les mains. Les deux vieux
caressaient le poil un peu sec, sans répulsion, avec même une tendresse
dérisoire. Lukas était rassuré. Parfois ça s'effondre d'un bloc en voyant les
premiers échantillons. Là, non. Au contraire. Les mains semblaient curieuses
autour de la loutre empaillée.
- C'est évidemment un article rural, dit-il. À Paris ça se fait peu. Chez le
montagnard elle est remplacée par la marmotte. Tendance régionaliste.
Il se sentit en confiance. Ces deux-là ne poseraient pas de difficultés.
Et il sortit de la valise un article moins évident. Pour tester.
- L'iguane d'Égypte. Ni lézard ni varan, le milieu. Deux couches de vernis doux.
Un soupçon de patine pour la vie. À peine poussiéreux.
Échange de regards entre les deux fauteuils.
- «Un soupçon de patine pour la vie.»
- «À peine poussiéreux.» C'est beau.
Les deux vieux étaient aux anges.
- Monsieur au téléphone m'a parlé de «petit compagnon familier» ?
Il attendait.
- Mon drôle d'oiseau.
- Ma petite chatte.
Lukas finit son verre de grenache sans faire la grimace.
- Pardon ? Vous voulez dire que...
Les deux vieux le fixaient en souriant.
- Attendez attendez. Vous voulez que j'empaille ?...
La réponse claqua dans le silence trop épais du salon.
- Lui : mon Léonce.
- Elle : ma Charlotte.
Une relation étrange allait s'instaurer entre le taxidermiste et ses deux clients.
Tendre et féroce, drôle et noire. Une complicité fantasque et très intime, faite de
fantaisie, de tendresse et... d'amour ?
Enthousiastes, tous les trois se passionneraient pour ce projet.
Et bientôt chacun allait en faire un peu trop.
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